Les cimetières sont par nature des lieux calmes où les activités humaines sont limitées. Ils sont fleuris par les agents territoriaux comme par les particuliers et comprennent généralement des espaces enherbés et arbres qui accompagnement les espaces dédiés aux sépultures. L’augmentation du recours à l’incinération plutôt qu’à l’inhumation entraine le développement de jardins du souvenir. Enfin, si en France les cimetières anciens sont traditionnellement gravillonnés et très minéraux, l’évolution des pratiques de gestion vers un arrêt des phytosanitaires chimiques incite les gestionnaires à revoir la conception de ces espaces. Cela se voit notamment dans les nouveaux cimetières paysagers qui font une plus large place au végétal.
Gestion des herbes spontanées dans les cimetières
Dans la perception esthétique française, les plantes spontanées, « herbes folles » ou « mauvaises herbes » évoquent l’abandon. Et le sentiment d’abandon, d’absence d’entretien de l’espace funéraire peut entrer en résonance avec le deuil, qui est lui aussi un processus impliquant l’abandon du défunt.
Un mouvement d’arrêt de l’usage des pesticides par les collectivités a été engagé par quelques pionniers à partir des années 1990 et a abouti à l’adoption de la loi Labbé interdisant depuis le 1er janvier 2017 l’usage des produits phytosanitaires d’origine chimique sur les espaces verts, voiries, forêts et promenades publiques, mais pas sur les cimetières où ils restent autorisés sauf si ceux-ci ont un caractère avéré de promenade, à l’instar du cimetière du Père Lachaise à Paris.
Pour autant, la plupart des collectivités vont au-delà de l’obligation réglementaire : en mars 2019, 67% des communes d’Île-de-France ayant répondu après le 1er janvier 2017 à l’indicateur « zéro pesticide » (soit 690 communes) déclaraient être déjà à zéro pesticide total sur l’ensemble de leurs espaces publics, cimetières compris. Enfin, la présidente de la Région Île-de-France, Valérie Pécresse, a fixé l’objectif de 100% des communes franciliennes à zéro pesticide total à horizon 2025.
Il y a 4 principales manières de gérer les plantes spontanées dans un cimetière traditionnel français :
- utiliser plusieurs fois par an un désherbant chimique et/ou classé dangereux pour l’environnement et/ou la santé humaine (c’est le cas de certains produits de biocontrôle). Cela implique de fermer le cimetière au public pendant une durée allant de 6 à 48h (et de l’en informer 24h à l’avance), représente un coût certain d’approvisionnement et d’épandage, nécessite l’utilisation de tenues de protection lourdes pour les applicateurs et particulièrement inconfortables par fortes chaleurs. Enfin, cela contribue à la pollution diffuse des eaux souterraines et de surface par les produits phytosanitaires et a des impacts sur la santé et l’environnement.
- utiliser plusieurs fois par an un désherbant non classé dangereux pour l’être humain et/ou l’environnement (produits de biocontrôle ou autorisés en AB), comme les acides (acide pélargonique, vinaigre…). Néanmoins, cela n’est pas sans impacts pour la nature du sol, qui évidemment s’acidifie et cela représente un coût d’approvisionnement comme d’application non-négligeable.
- utiliser des techniques alternatives de désherbage (manuelles, mécaniques ou thermiques). Ces techniques sont soit consommatrices de ressources (gaz, eau, énergie), nécessitent du matériel et/ou du temps de travail humain important et peu valorisant.
- végétaliser les espaces gravillonnés par végétalisation spontanée, semis direct, hydroseeding ou encore plaquage de gazon précultivé (cette dernière technique est néanmoins coûteuse, très consommatrice de ressources et demande ensuite un entretien intensif pour maintenir l’aspect initial), espaces qui sont ensuite gérés comme des pelouses ou prairies, par tonte ou fauche.
Objectifs de l’étude
Les méthodes de gestion n’ont très probablement pas les mêmes conséquences sur la biodiversité. La composition et l’environnement paysager de chaque cimetière joue très probablement aussi un rôle. C’est pourquoi l'Agence régionale de la Biodiversité en Île-de-France lance une étude de la flore spontanée, des pollinisateurs sauvages, des micromammifères et des chauves-souris portant sur un échantillon large de cimetières franciliens. Cette étude s’appuiera sur des protocoles de sciences participatives sur une durée de 4 ans. Elle comprendra un volet de sensibilisation des décideurs et de formation des gestionnaires aux protocoles de sciences participatives d’observation de la nature.
Les objectifs de l’étude sont d’une part d’améliorer la connaissance de la biodiversité sur ces espaces équitablement répartis sur le territoire francilien et sur leur éventuelle contribution à la trame verte et bleue, d’autre part d’impliquer les gestionnaires et décideurs et accompagner la transition des pratiques de gestion, vers le zéro pesticide total. Enfin, l'étude doit permettre de former de nouveaux participants aux programmes de sciences participatives parmi les gestionnaires d’espaces verts, capables à terme de poursuivre les suivis sur le long terme ou de les appliquer à d’autres espaces qu’ils ont en gestion.
Le nombre de cimetières suivis est de 45 au total en Île-de-France, répartis selon un gradient urbain-rural.
Les protocoles utilisés
Sauvages de ma rue
Inventaire de la flore spontanée des interstices urbains via un transect de 100 m le long des tombes (avant et arrière des tombes et espaces inter-tombes) - 1 passage entre le 15 mai et le 31 juillet (par le Conservatoire Botanique national du bassin parisien CBNBP).
Vigie-Flore
Inventaire exhaustif de la flore dans 10 carrés d’1m² au cœur de la pelouse ou prairie d’accompagnement (zone d'extension du cimetière par exemple d’une surface d’au moins 130m2 et dont la gestion est uniforme) - 1 passage entre le 15 mai et le 31 juillet (par le CBNBP).
Suivi photographique des Insectes pollinisateurs (SPIPOLL)
Observation des interactions plantes-pollinisateurs sur 4 espèces de plantes communes en fleurs (2 plantes dans les espaces inter-tombes et 2 sur les zones de prairie) - 1 passage entre le 15 juin et le 15 juillet et un entre le 15 août et le 15 septembre (sous conditions météorologiques particulières : température >20°C, absence de vent fort, entre 10 et 18h00) (par l’ARB îdF et des spipolliens volontaires).
Vigie-Chiro
Identification des chauves-souris par enregistrement ultrasonore automatique en point fixe - 1 nuit d’enregistrement AudioMoth entre le 15 juin et le 15 juillet et une entre le 15 août et le 15 septembre (mise en place par l’ARB îdF lors des relevés pollinisateurs, relevé le lendemain par un gestionnaire local et renvoi par la poste à l’ARB îdF).
Mission Hérisson
Identification des micromammifères par piège à empreintes (nouveau programme lancé cette année par la LPO) - 5 jours d’observation consécutifs entre le 15 juin et le 15 juillet et entre le 15 août et le 15 septembre (avec fourniture et mise en place initiale du piège à empreintes par l’ARB îdF avec l’agent du cimetière concerné qui en assurera le suivi et la mise en place de manière autonome ensuite).
Le protocole d’étude EPOC (Estimation des Populations d’Oiseaux Communs)
Version simplifiée du protocole STOC-EPS (Suivi Temporel des Oiseaux communs – Échantillonnages Ponctuels Simples) coordonné au niveau national par le Centre de Recherches par le Baguage des populations (CRBPO) du Muséum national d’Histoire naturelle. Il permet de récolter des données standardisées de manière peu contraignante, qui, associées aux données du STOC EPS traditionnel, permettent de calculer des tailles de population au niveau national mais aussi de préciser les tendances démographiques de l’avifaune commune. En savoir plus