Retour - Matinée d'échanges "Semer et planter local"

01 avril 2019ContactJonathan Flandin

Qu’entend-on lorsque l’on parle d’une plante "sauvage" et "locale" ? Pourquoi utiliser ces espèces ? L'ARB îdF, le Conservatoire botanique national du Bassin parisien, le Conservatoire National des Plantes à Parfum, Médicinales et Aromatiques, Astredhor Seine Manche et la DRIEE organisaient une matinée d'échanges autour des espèces locales le jeudi 28 novembre. Un rendez-vous qui a permis de revenir sur les mésusages en matière de végétalisation et de découvrir les marques Végétal Local et Vraies Messicoles ainsi que certaines filières de production comme EDUCAFLORE ou la pépinière de plantes locales de l’EPA Paris-Saclay. Cette rencontre a également été l'occasion de présenter le guide de l'ARB îdF "Plantons local en Île-de-France" ainsi que la "Charte pour la promotion de la filière horticole ornementale et des aménagements paysagers".

Retour sur les mésusages en matière de végétalisation et conséquences sur les espèces indigènes et sur l’environnement

Par Philippe BARDIN – CBNBP/MNHN, référent local Végétal Local et Vraies Messicoles
La présentation était précédée par la diffusion du court-métrage "Les enjeux pour la biodiversité locale"

L’intérêt des aménageurs pour des végétaux d’origine locale a nettement augmenté au cours des deux dernières décennies. L’offre reste cependant toujours insuffisante alors que les risques sur l’usage de végétaux non indigènes ou de ressources génétiques allochtones sont désormais bien connus.

Les végétaux indigènes dont les ressources génétiques ont été collectées localement sont en effet beaucoup plus adaptés à l’environnement local, ce qui prévient notamment des taux d’échecs importants lors de projets de végétalisation et limite les demandes en arrosage. La diversité génétique de végétaux qui n’ont pas été sélectionnés est aussi garante d’une meilleure adaptabilité aux changements globaux. De même, ces végétaux prélevés localement permettent la conservation des écotypes locaux tout en limitant les risques d’introduction d’écotypes mal adaptés déstabilisant les équilibres et les fonctionnalités écologiques dans les communautés végétales en place. Enfin, les activités de collecte et de multiplication hors des régions d’utilisations ne sont pas favorables aux économies locales, dans un contexte où par ailleurs la traçabilité n’est pas du tout assurée.

Une étude dans la région Bassin Parisien Nord (M.S. BETTE - CBN Bailleul, 2019) a montré que plus de 80% des prescripteurs sont prêts à préconiser l’usage de végétaux disposant d’un label de qualité si une telle offre était disponible, acceptant par ailleurs un surcoût de 10% par rapport aux semences classiques. Parallèlement, les utilisateurs sont dans les mêmes proportions tout à fait disposés à utiliser des végétaux issus de filières locales.

Aussi, tous les éléments sont réunis pour faire émerger en Île-de-France des filières de production d’herbacées et de ligneux d’origine locale, dans un contexte où les projets de chantiers et d’aménagements structurants devraient assurer la soutenabilité économique de ces démarches.

 

Les marques Végétal Local et Vraies Messicoles : une réponse à l’érosion de la biodiversité dans et autour des chantiers de végétalisation

Par Philippe BARDIN – CBNBP/MNHN, référent local Végétal Local et Vraies Messicoles

Les marques collectives Végétal local et Vraies Messicoles ont été créées pour répondre à ce besoin de végétaux d’origine locale certifiée. Ces marques sont animées par la Fédération des Conservatoires botaniques nationaux, l’AFAC Agroforesteries et l’association Plante & Cité. Elles sont depuis 2017 la propriété de l’Agence Française pour la Biodiversité.

Ces marques concernent tous les végétaux indigènes, à l’exception des espèces rares (au sens des listes rouges) et règlementées (au sens du Code de l’Environnement). Elles ne concernent ni les variétés agricoles et fourragères sélectionnées, ni les variétés horticoles.

Elles sont basées sur une carte de 11 "Régions d’Origine" (critère obligatoire), et de 28 "Unités Naturelles" (critère facultatif), ensembles et sous-ensembles biogéographiques ayant un sens du point de vue de l’homogénéité des contextes écologiques.

Pour bénéficier du droit d’usage des marques, les candidats doivent se référer aux règlements d’usages et aux référentiels techniques qui assurent une traçabilité de la collecte jusqu’à la commercialisation, en passant par les étapes de naissage, d’élevage et de multiplication.

Moyennant un droit d’accès à la marque (400€ pour les producteurs et 200€ pour les collecteurs), le candidat est autorisé pour une durée de 6 ans à utiliser les marques pour des espèces validées par le Comité de gestion des marques. Des audits initiaux et de contrôle sont organisés pour assurer le respect des règles d’usage des marques.

Un certain nombre d’outils sont par ailleurs disponibles pour faciliter l’émergence et l’existence de ces filières : réseau de correspondants locaux, lettres d’information régulières, guides techniques (vergers à graines, parcs à boutures, aide à la rédaction des CCTP), ainsi qu’un kit média pour valoriser les projets ayant eu recours à du matériel Végétal local et Vraies Messicoles.

Pour favoriser la biodiversité "Plantons local en Île-de-France"

Par Jonathan FLANDIN - Agence Régionale de la Biodiversité en Île-de-France / L’Institut Paris Région

Que l'on soit paysagiste, concepteur, jardinier professionnel ou amateur, une collectivité ou une entreprise, le guide "Plantons local en Île-de-France" a pour but d'aider dans la conception de milieux naturels. Il référence les espèces les mieux adaptées aux conditions environnementales de la région pour créer des prairies, haies, bosquets, boisements… et pour végétaliser les murs et toitures.

Ce guide a été élaboré pour augmenter significativement la proportion de plantes indigènes sur les espaces publics mais également sur les espaces parapublics et privés. Il vise à préserver la diversité biologique en limitant l’utilisation d’espèces non adaptées ou exotiques.

Le guide propose une palette végétale :

  • favorable aux interactions avec la faune : plantes hôtes pour les larves et chenilles, aux fleurs attractives pour les adultes (papillons, syrphes, bourdons, abeilles…), aux fruits savoureux pour les oiseaux et mammifères, etc. ;
  • adaptée au climat, aux sols naturels ou remaniés de la région ainsi qu’à la gestion humaine ;
  • disponible sous la marque Végétal local.

Téléchargez gratuitement le guide dans la rubrique "ressources" du site.

 

"Charte pour la promotion de la filière horticole ornementale et des aménagements paysagers"

Par Isabelle VANDERNOOT - Chambre d’Agriculture de Région Île-de-France

La "Charte pour la promotion de la filière horticole ornementale et les aménagements paysagers en Île-de-France" est une démarche partenariale dont la vocation est de favoriser un approvisionnement local, de qualité et responsable dans la réalisation des aménagements paysagers d’Île-de-France.

Elle rassemble les acteurs de la filière horticole et paysagère ainsi que les collectivités locales dans une nouvelle dynamique pour soutenir l’ancrage territorial et le développement économique de cette filière dans notre région.

Les objectifs de la charte :

  • Sensibiliser à un achat local responsable ;
  • Attirer l’attention des acteurs sur la possibilité de stimuler un approvisionnement local en matière d’aménagement paysager et de fleurissement sans faire d’entorse au code de la commande publique ;
  • Mettre à disposition des acheteurs des leviers d’action permettant la création et l’entretien d’espaces verts pérennes et qualitatifs ;
  • Valoriser la production horticole et le savoir-faire des paysagistes-concepteurs et des entreprises du paysage de la région.

Accédez à la Charte et signez-la sur le site de la Direction Régionale Interdépartementale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt d’Île-de-France.

 

Retour sur le projet EDUCAFLORE, filière de production de végétaux labellisés Végétal local gérée par un ESAT

La marque EDUCAFLORE est issue d’une réponse à un appel à projets du Ministère de l’Ecologie en 2012 pour faciliter la mise en œuvre de la Stratégie Nationale pour la Biodiversité. L’Association Dervoise d’Action Sociale et Médico-sociale (ADASMS), en partenariat scientifique avec le Conservatoire botanique national du Bassin parisien, a donc fait émerger cette initiative locale qui s’intègre à la démarche nationale puisque les productions bénéficient des marques Végétal local et Vraies Messicoles.

La marque EDUCAFLORE se caractérise par un positionnement différenciant, notamment par l’appartenance au champ de l’Economie Sociale et Solidaire, et qui a permis la montée en compétences d’une équipe de 5 travailleurs spécialisés dans l’horticulture : reconnaissance des espèces en milieu naturel, collecte, gestion des cultures, tri et nettoyage des semences, tests de germination, marketing et communication.

Après une phase de tests menée entre 2013 et 2018 sur 90 espèces, l’ADASMS bénéficie du droit d’usage des marques Végétal local et Vraies Messicoles pour 20 espèces de prairies humides et de jachères fleuries, et a déjà procédé à la vente de plusieurs dizaines de kilogrammes dans le cadre de projets de végétalisation en Champagne-Ardenne.

Construction d'une filière de production francilienne labellisée Végétal local

Par Benjamin GOURLIN - CNPMAI et Camille SOULARD - ASTREDHOR Seine-Manche

Depuis 2015, Astredhor Seine-Manche (Institut technique de la filière horticole en Normandie et Ile-de-France) travaille sur des aspects de flore locale, notamment en concertation avec le GIE "Pépinières franciliennes" ; parallèlement, le Conservatoire National des Plantes à Parfum, Aromatiques et Médicinales (CNPMAI) travaille depuis 2008 sur l'étude des messicoles d'Île-de-France, et est spécialisé dans la botanique et l'acquisition, le triage, la multiplication et la conservation de semences de végétaux sauvages et cultivés. Depuis 2018, les deux instituts ont choisi de mutualiser leurs compétences pour participer au développement d'une filière régionale Végétal local par le biais d’un projet expérimental financé de 2018 à 2020 par la Région Île-de-France et la DRIEE.

L’objectif principal de ce projet, dont les premiers résultats sont ici présentés, est d’accompagner les potentiels acteurs de production que sont les professionnels horticulteurs et pépiniéristes en :

  • acquérant et conservant une banque de semences d’herbacées et de boutures de ligneux « labélisables » et représentative des trois aires biogéographiques franciliennes ;
  • testant des modalités de multiplication (notamment hors sol) pour quelques taxons ;
  • entreprenant une démarche de marquage.

La mise en relation des différents types d’acteurs franciliens (producteurs et utilisateurs) constitue un autre objectif incontournable de ce projet, pour permettre à terme le développement d’une filière francilienne autour du végétal local.

 

Les chantiers de l’Etablissement Public d’Aménagement Paris-Saclay et le végétal local

Par Zelda PROU-KERREC - EPA Paris-Saclay et Elodie SEGUIN – Pariciflore

Le projet de pépinière de plantes locales de l’Etablissement Public d’Aménagement (EPA) Paris-Saclay est un projet réalisé en collaboration avec la Ville de Versailles, la Communauté d’Agglomération Versailles Grand Parc, l’Arboretum de Chèvreloup, et soutenu par la Région Île-de-France dans le cadre de l’Appel à Manifestation d’Intérêt "Soutien aux initiatives d’urbanisme transitoires". Il s’inscrit dans le projet urbain de la ZAC Satory Ouest à Versailles dont l’une des grandes ambitions est de créer un quartier ville-nature structuré par une trame paysagère puissante accueillant la biodiversité en ville.

Le projet de pépinière de plantes sauvages locales s’inscrit dans cette ambition : il a pour objectif de restituer les milieux naturels existants qui seront impactés par les opérations de dépollution des sols. Ces milieux seront recréés dans les futurs espaces publics du projet en utilisant des plants et semences récoltés sur le site même. Plus précisément, il s’agit de répondre à une partie des besoins en espèces herbacées nécessaires à la restitution des milieux (espèces caractéristiques des milieux humides et des prairies mésophiles) mais aussi à l’aménagement de la trame paysagère de la ZAC Satory Ouest.

La mise en œuvre opérationnelle de la pépinière de plantes sauvages a débuté en juin 2019 avec l’entreprise PARICIFLORE dont Elodie Seguin, gérante, est chargée de constituer une première banque de semences. L’EPA a confié à PARICIFLORE des missions de récoltes, de séchage, de stockage et de multiplications de ces semences qui constitueront le stock de départ d’une pépinière qui sera, dans un second temps, aménagée sur le site de Satory Ouest. Le cahier des charges de la marque Végétal local, assurant une traçabilité des espèces sauvages locales a été respecté et suivi. A ce jour, 24 espèces sur les 65 récoltées sur site pourront être proposées à la labellisation.

 

Les chantiers du Grand Paris et le végétal local

Par Marion CARRE – Société du Grand Paris et Gaëlle JARDINIER – CDC Biodiversité

La Société du Grand Paris (SGP), établissement public de l’État créé par la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, a pour mission principale d’assurer la maîtrise d’ouvrage des infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris Express. L’exécution de cette mission nécessite la mise en place de plusieurs centaines de chantiers de travaux publics. La remise en état des sites de chantier après travaux et la réalisation de sites de compensation écologique imposent la végétalisation de nombreux espaces, avec utilisation de semences sauvages locales, conformément aux prescriptions des arrêtés d’autorisation environnementale relatifs au Grand Paris Express.

A ce jour, une problématique relative à l’équilibre entre l’offre et la demande existe en Île-de-France et nécessite de pouvoir apporter des réponses aux enjeux du végétal local pour le projet du Grand Paris Express :

  • Anticiper et développer l’offre francilienne pour répondre aux besoins ;
  • Sensibiliser et accompagner les entreprises titulaires des marchés de travaux conclus par la SGP afin de faciliter la mise en œuvre opérationnelle des semences sauvages locales.

C’est dans ce cadre qu’une démarche de partenariat a été initiée entre le Conservatoire Botanique National du Bassin Parisien (CBNBP), CDC Biodiversité et la SGP pour mettre en place une filière de semences sauvages locales en Ile-de-France.

CDC Biodiversité, société privée, filiale de la CDC dont l’objet est de développer des solutions innovantes pour concilier économie et biodiversité en soutien aux politiques publiques et acteurs du territoire, a lancé une réflexion afin de répondre aux besoins de la SGP dont elle est le maître d’œuvre pour la compensation de plusieurs lignes du Grand Paris Express. La solution recherchée devrait permettre la restauration de grandes surfaces, dans différentes zones d’Île-de-France, à des coûts maîtrisés, tout en favorisant autant que possible la biodiversité. Cela pourrait se faire notamment en collectant et multipliant des semences en mélanges, plutôt qu’en travaillant sur des cultures mono-spécifiques. Sous réserve d’absence d’espèces invasives, les prairies ainsi restaurées pourraient devenir des sites de multiplication de semences sauvages locales.

Un partenariat CBNBP-SGP-CDC Biodiversité a ainsi été monté afin d’explorer les pistes permettant de développer une filière de production de semences sauvages locales franciliennes. La première phase en cours vise à identifier les prairies sources pour répondre au cahier des charges du label Végétal local et à déterminer les protocoles et itinéraires techniques pour multiplier, collecter, stocker ces semences. Par la suite, d’autres partenaires devront être identifiés afin d’entrer dans une la phase, plus opérationnelle, de production de semences sauvages locales.

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