Plus d'un quart des amphibiens et des reptiles menacés d'extinction en Île-de-France

Note rapide Biodiversité, n° 1020

17 décembre 2024ContactHemminki Johan

La disparition des amphibiens et des reptiles témoigne de l’état de santé inquiétant des mares, des mouillères, des landes et des haies, refuges d’une biodiversité riche mais trop souvent méconnue. La nouvelle Liste rouge régionale, réalisée par l’Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France (ARB ÎdF) avec la Société herpétologique de France (SHF), vise à hiérarchiser les priorités d’action des politiques publiques, au moment où le nouveau SDRIF-E accroît la protection des espaces naturels franciliens.

Les conclusions de la nouvelle Liste rouge régionale sur les amphibiens et les reptiles sont très préoccupantes : 25 % des amphibiens et 27 % des reptiles sont aujourd’hui menacés d’extinction en Île-de-France. En cause, la disparition des milieux naturels – dont les zones humides –, la fragmentation croissante des paysages, l’émergence de maladies favorisées par l’activité humaine et le réchauffement climatique.
Les amphibiens et les reptiles ont une biologie particulièrement intéressante pour évaluer l’état de conservation des milieux dans lesquels ils évoluent et, à l’inverse, des territoires dont ils ont disparu. Malgré leur regroupement dans le cadre de cette évaluation, ces deux taxons ont des écologies très différentes, fortement dépendantes de l’environnement dans lequel ils vivent. Les amphibiens, à travers leur relation particulière aux milieux aquatiques, informent sur l’état de conservation des mouillères (petites dépressions naturelles imperméables), des mares et des étangs franciliens. Ils constituent également l’un des premiers taxons auxquels on fait référence lorsqu’il s’agit de traiter des continuités écologiques, parce que leurs modes de déplacement et leurs migrations, particulièrement impressionnantes chez certaines espèces, les rendent très sensibles aux activités humaines et à la structuration des paysages. Les reptiles, quant à eux, sont majoritairement associés aux milieux d’interfaces (haies et lisières) ou aux milieux transitoires (landes et fourrés), sur lesquels l’activité humaine est réduite.
Fortement sensibles à la structuration de leurs habitats et aux aléas climatiques, ces espèces sont directement impactées par les activités anthropiques et déclinent rapidement face aux perturbations. Malgré leur protection intégrale sur l’ensemble du territoire français, les amphibiens et les reptiles sont identifiés par la Liste rouge nationale comme un groupe en forte régression. Ainsi, en France métropolitaine, la Liste rouge de 2015 estimait que près de 23 % des amphibiens et des reptiles étaient menacés de disparition1. C’est pour cibler au mieux les pressions franciliennes que cette évaluation régionale a été menée.

PLUS DE LA MOITIÉ DES ESPÈCES DÉJÀ MENACÉES OU EN PASSE DE L’ÊTRE

Sur 27 espèces évaluées en Île-de-France, sept (26 %) sont d’ores et déjà menacées d’extinction et huit (30 %) quasi menacées. Les espèces déjà menacées d’extinction se répartissent en deux catégories bien distinctes : les espèces « en danger [EN] », qui risquent de disparaître à moyen terme, et celles « vulnérables [VU] ». En dehors de ces deux catégories, on retrouve également les espèces « quasi menacées [NT] », qui subissent des pressions importantes et pourraient, lors de la prochaine actualisation de l’évaluation (tous les cinq à dix ans), rejoindre le groupe des espèces menacées. Le reste des espèces est réparti entre le statut « préoccupation mineure [LC] », qui indique que, dans l’immédiat, il n’y a pas d’enjeu urgent à leur conservation, et le statut « données insuffisantes [DD] », qui s’applique lorsque les connaissances sont trop lacunaires pour évaluer l’état de conservation de manière objective. Il est important de garder à l’esprit que, même si une espèce est classée en « préoccupation mineure », cela ne signifie pas que son état s’améliore. Dans la majorité des cas, toutes voient leurs populations diminuer, mais certaines sont dans des états plus critiques que d’autres. C’est là tout l’objectif de ce travail : hiérarchiser les priorités.
Les espèces menacées et quasi menacées sont inégalement réparties sur le territoire francilien. Les zones particulièrement riches, comme les massifs de Fontainebleau et de Rambouillet ou les secteurs du Grand-Voyeux, de la Bassée, de Jablines et l’Arc boisé du Val-de-Marne, ressortent naturellement comme des zones prioritaires pour la conservation de ces espèces, et bénéficient d’une protection forte (réserves naturelles nationales et régionales, réserves de biosphère, sites Natura 2000…). Néanmoins, la carte est constellée de secteurs isolés, qui présentent également de forts enjeux. Ce sont ces sites en particulier qui doivent faire l’objet d’actions de conservation, d’autant plus quand ceux-ci ne sont pas inclus dans des espaces protégés. Cette répartition illustre l’isolement de nombreuses populations sur le territoire. En cas de perturbation de leurs habitats, ces dernières sont vulnérables et menacées d’une disparition rapide, sans possibilité de recolonisation par d’autres foyers, faute de corridors écologiques fonctionnels.

 

 

DES HABITATS DANS UN ÉTAT DE CONSERVATION CRITIQUE

L’Île-de-France, région la plus urbanisée de France, avec 21 % d’espaces urbanisés2, est confrontée à des défis écologiques majeurs en raison de cette urbanisation. Ce niveau d’artificialisation, d’autant plus prononcé sur le territoire de l’agglomération parisienne, a un impact significatif et durable sur les écosystèmes, mettant en péril les populations d’amphibiens et de reptiles par la destruction directe et la fragmentation de leurs habitats. Entre 2000 et 2017, on estime que 47 % des surfaces des milieux herbacés humides ont disparu. Il en va de même pour les milieux herbacés calcaires (-42 %), les landes (-21 %) et les prébois calcaires (-25 %) : des milieux à fort intérêt écologique, qui hébergent de nombreuses espèces patrimoniales pour la région3. Ces espaces de nature sont indispensables aux espèces qui leur sont inféodées. Leur destruction équivaut à une disparition pure et simple des populations qu’ils abritent. C’est d’ailleurs la principale cause de disparition de la biodiversité à l’échelle mondiale4. Cette disparition est d’autant plus rapide que la fragmentation importante du paysage francilien empêche la dispersion des individus face à une perturbation et limite les possibilités de recolonisation de sites éventuellement restaurés. Les capacités de dispersion des amphibiens et des reptiles sont particulièrement faibles et facilement entravées par des ruptures d’origines anthropiques. Ainsi, un Alyte accoucheur, dont la distance maximale de dispersion est d’environ 500 mètres, sera entravé si une route barre son chemin. Une Vipère aspic, dont la distance maximale de dispersion est d’un peu plus de 700 mètres, ne pourra pas les parcourir si elle ne bénéficie pas d’une couverture végétale suffisante pour la protéger des prédateurs5. Le manque de sanctuarisation des habitats des amphibiens et des reptiles les expose d’autant plus à des destructions lors de projets d’aménagement. Même si ces derniers sont soumis à l’application de la séquence « Éviter-Réduire-Compenser » (ERC), de nombreuses lacunes sont encore constatées. L’évitement et la réduction restent marginaux dans les projets, et la compensation est souvent déficiente, loin de permettre une équivalence avec ce qui a été détruit, en surface, en qualité et en temporalité. Les causes sont multiples, mais on peut relever le manque d’exhaustivité des inventaires sur ces espèces lors du diagnostic (en particulier pour les reptiles), l’absence de fonctionnalité des ouvrages créés pour la compensation (mares à sec trop tôt, haies non stratifiées…) ou le recours à des déplacements de populations, souvent peu concluants dans le cas des amphibiens et des reptiles.

CERTAINES PRATIQUES AGRICOLES ÉGALEMENT RESPONSABLES

L’agriculture couvre près de 50 % de la surface de l’Île-de-France. Elle se caractérise par une majorité de grandes cultures (92 % de la surface agricole utile), souvent utilisatrices d’intrants. Ce modèle agricole à haut rendement s’est imposé au détriment d’éléments fixes du paysage, tels que les mares, les fossés, les bosquets et les haies. La mécanisation progressive de l’agriculture et l’abandon du travail animal ont entraîné le déclin des prairies permanentes et des mares utilisées autrefois pour abreuver le bétail, et la reconversion de nombreux milieux naturels jadis préservés. Même les habitats naturels peu productifs, comme les marécages, ont été convertis pour la culture de peupliers, notamment en fond de vallée, privant les amphibiens de leurs nurseries. Ces changements profonds du paysage agricole ont eu un impact important sur la biodiversité locale, mettant en péril nombre d’espèces, au-delà des amphibiens et des reptiles. La spécialisation agricole a entraîné la destruction de micro-habitats naturels au sein des parcelles, au détriment d’habitats précieux et uniques, comme les mouillères, encore aujourd’hui comblées par méconnaissance de leur rôle crucial dans la préservation de la biodiversité. De même, les pâtures et leurs points d’eau, autrefois essentiels pour le bétail, étaient des lieux de vie pour des espèces adaptées à ces environnements fortement piétinés. C’est notamment le cas pour le Sonneur à ventre jaune, qui a quasiment disparu de la région. L’effacement ou la détérioration des éléments linéaires du paysage, tels que les chemins enherbés et les lisières, a entraîné une réduction des corridors permettant aux espèces de circuler au sein d’une matrice paysagère dominée par les grandes cultures. Or, ces éléments sont doublement vitaux pour les amphibiens et les reptiles, qui les utilisent pour leurs déplacements et y accomplissent une part essentielle de leur cycle de vie. Les amphibiens y trouvent des refuges hivernaux et des ressources alimentaires entre les périodes de reproduction, tandis que les reptiles profitent de la présence des rongeurs et autres ravageurs des cultures. En l’absence de ces corridors écologiques, les déplacements des espèces, de même que leur accès à la nourriture et aux abris, sont limités, et leur capacité à survivre et à se reproduire est sérieusement compromise. En milieu agricole aussi, il est urgent de renforcer les continuités écologiques, en augmentant la densité et le linéaire des haies champêtres, en créant des habitats favorables et en accompagnant les agriculteurs vers des pratiques agroécologiques (non-labour, associations et rotations culturales, réduction de la taille des parcelles…).

LES ÉCOSYSTÈMES IMPACTÉS PAR DES POLLUTIONS DIFFUSES

Les pollutions chimiques émanant des zones urbaines et agricoles affectent de manière chronique les écosystèmes par le biais de métaux lourds, dioxines ou résidus de molécules médicamenteuses et phytopharmaceutiques. Ces agents délétères s’accumulent dans les écosystèmes et, par diffusion passive, intoxiquent les chaînes alimentaires, entraînant des effets en cascade. Les amphibiens et les reptiles en subissent les conséquences, notamment des altérations au niveau de la nutrition, de la mobilité et de la reproduction. La vulnérabilité des amphibiens est accentuée par leur peau, hautement perméable à l’environnement, ce qui les expose à des concentrations significatives de contaminants, surtout dans les milieux aquatiques.
Parallèlement, l’utilisation fréquente d’engrais et de pesticides contamine les eaux et favorise le développement d’algues filamenteuses, qui perturbent l’équilibre écologique du milieu. Leur prolifération, favorisée par le changement climatique, peut asphyxier les organismes aquatiques et quasiment stériliser les plans d’eau. Sans plantes aquatiques comme les glycéries, les tritons n’ont plus de support pour pondre et désertent l’habitat.
En ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques, des recherches récentes indiquent que ces substances persistent pendant plusieurs décennies dans l’environnement6. Les chaînes alimentaires sont affectées, avec des rongeurs intoxiqués devenant les proies de serpents, qui ingèrent à leur tour des molécules toxiques et les accumulent dans leur organisme. Cette bioaccumulation de toxines souligne l’ampleur des effets indirects de ces produits sur l’ensemble des écosystèmes, compromettant la survie à long terme des espèces qui en dépendent. Des substances telles que les pyréthrinoïdes, les organophosphorés, les organochlorés, le glyphosate et les carbamates ont été identifiées comme responsables de dérèglements physiologiques et endocriniens, de malformations morphologiques et de changements comportementaux chez les amphibiens. Cela souligne l’urgence de réduire notre dépendance aux pesticides et aux engrais de synthèse.

LES EFFETS MULTIPLES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Alors que l’année 2023 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée sur Terre7, l’élévation globale des températures, le brouillage des saisons et l’intensification des événements climatiques extrêmes deviennent des défis prégnants. La biodiversité, première victime de ces altérations environnementales, se trouve contrainte de s’adapter à des perturbations de plus en plus fréquentes. Les amphibiens et les reptiles y sont particulièrement vulnérables en raison de leur dépendance aux conditions climatiques pour réguler leur température interne, et donc leur cycle de vie.
Les changements climatiques perturbent significativement l’hivernation de certaines espèces, les incitant à reprendre leur activité trop tôt dans l’année et les exposant à des gelées tardives, un phénomène qui peut entraîner la mortalité directe ou fragiliser la santé des individus. De plus, ces perturbations semblent provoquer un décalage dans la reprise d’activité des mâles et des femelles après l’hivernation, mettant en péril le succès reproducteur des populations.
L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses représente une menace majeure pour la ressource en eau et pour les amphibiens, qui en dépendent pour leur reproduction. Même si les pièces d’eau qu’ils utilisent sont souvent éphémères, les petites mares et les mouillères s’assèchent de plus en plus tôt et de plus en plus fréquemment. La sécheresse semble être l’un des principaux facteurs dégradant l’état de santé des individus et leur succès reproducteur, en particulier sous les climats tempéré et méditerranéen8.
L’augmentation moyenne des températures a des implications à grande échelle, forçant les espèces à se déplacer ou à disparaître lorsque les conditions environnementales dépassent leur seuil de tolérance. Les modélisations prédisent des migrations potentielles pour des espèces comme le Sonneur à ventre jaune, le Lézard vivipare ou la Vipère péliade, adaptées à des climats frais et humides. Cependant, le manque de corridors et de milieux favorables accroît les risques d’extinction régionale pour les taxons fuyant la hausse des températures.
Enfin, les impacts indirects des changements climatiques se manifestent via l’émergence de pathologies graves chez les amphibiens. La chytridiomycose, liée à un champignon, menace les populations déjà fragilisées. Les futurs scénarios climatiques indiquent que cette maladie pourrait étendre son aire d’occurrence, représentant une menace supplémentaire pour des populations déjà soumises au stress de multiples facteurs anthropiques.

 

 

CRÉATION D’HABITATS ET RESTAURATION DES CONTINUITÉS ÉCOLOGIQUES

La création d’habitats pour les amphibiens et les reptiles est une mesure efficace, peu onéreuse et en général couronnée de succès si des principes de base sont respectés. Majoritairement sensibles à la structuration de leurs habitats, ces espèces ne demandent pas d’ingénierie complexe et s’accommodent de petites surfaces à condition d’être bien connectées avec d’autres habitats favorables.
Dans le cas des amphibiens, protéger les mares existantes et en créer de nouvelles est un moyen de conservation simple et efficace. Afin de garantir la colonisation de ces nouveaux milieux, il est préférable de les intégrer à un réseau de mares préexistantes et déjà utilisées par d’autres amphibiens. Afin de garantir sa fonctionnalité, la conception de l’ouvrage doit permettre le maintien de l’eau au moins pendant une partie de l’année et l’accès grâce à des pentes relativement douces. Une mare qui s’assèche en fin d’été n’est pas un problème. Il n’est pas nécessaire de végétaliser l’ouvrage, sauf si cet aménagement est réalisé en faveur d’une espèce spécifique. Les Rainettes vertes, par exemple, ont besoin d’une végétation haute et dense en périphérie immédiate du point d’eau. Avec le temps, la mare sera colonisée par différents stades de végétation spontanée. L’apport en poissons est à proscrire, car ils sont friands des œufs d’amphibiens. Aussi leur présence réduira drastiquement le potentiel d’accueil de l’aménagement.
Dans le cas des reptiles, les milieux d’interfaces, comme les haies et les lisières, sont favorables et faciles à mettre en place. L’élément essentiel pour leur attractivité est de favoriser plusieurs strates de végétation, qui apporteront caches et nourriture à ces espèces craintives et discrètes. Les ronces, pruneliers et aubépines, denses et pourvues d’épines, dissuadent les éventuels prédateurs et sécurisent les reptiles. Ainsi, une haie qu’un être humain est en mesure de traverser n’est généralement pas assez dense. L’exposition de l’aménagement est également importante, car la température conditionne l’activité des reptiles. Il est souhaitable qu’une partie du linéaire possède une exposition sud ou sud-est afin de garantir un ensoleillement suffisant. Pour multiplier les expositions disponibles, il est bénéfique d’éviter les lisières rectilignes au profit de tracés plus sinueux, avec éventuellement des encoches dans la végétation. En termes de gestion de ces aménagements, diversifier les hauteurs de coupe permet d’obtenir une bordure progressive qui facilite la thermorégulation (comportement d’exposition au soleil) des animaux. Créer une haie ou une lisière favorable est un processus lent, qui peut être amorcé à travers des plantations qui se densifieront avec le temps, ou se faire de manière spontanée, avec l’arrêt de la gestion d’un espace ciblé.
Malgré leur faible capacité de dispersion, les amphibiens et les reptiles sont tout de même amenés à circuler au sein de leurs habitats. Pour les amphibiens, cela correspond notamment à la migration annuelle qui leur permet de se reproduire. Au début du printemps, ils quittent leurs refuges hivernaux (boisements, haies et murets) pour se retrouver dans les points d’eau. Cela les oblige régulièrement à traverser des routes, source de mortalité importante. Afin de prévenir cet impact, deux types d’ouvrages existent : les « crapaudromes » et les « crapauducs ». Les premiers sont des dispositifs temporaires, qui consistent en la mise en place de barrières le long de la route, avec, à intervalles réguliers, des seaux permettant de recueillir les amphibiens bloqués. Chaque jour, pendant la saison de reproduction, les seaux sont relevés et les individus relâchés de l’autre côté de l’ouvrage. Pérennes, les crapauducs visent à la création de buses sous la chaussée, avec, là aussi, une barrière infranchissable obligeant les amphibiens à utiliser ces passages. Chronophage pour le premier et onéreux pour le second, ces dispositifs sont à calibrer en fonction des enjeux du site et doivent respecter certaines préconisations afin de garantir leur efficacité. Pour les reptiles, se déplacer sans le couvert d’une végétation dense revient à s’exposer aux prédateurs et, en dehors de la période de reproduction, il est très inhabituel de les rencontrer à découvert. Ainsi, les aménagements en leur faveur doivent être connectés à des linéaires déjà favorables ou en être à proximité immédiate.

VERS DES POLITIQUES PUBLIQUES PLUS EFFICACES

La manière la plus efficace pour protéger des espèces consiste à mieux protéger leurs habitats. Sanctuariser des espaces reste la meilleure garantie pour la pérennité de l’ensemble de leur cycle de vie, et donc de leurs populations. Dans le cas des amphibiens et des reptiles, leurs habitats sont parfois temporaires et souvent absents de la liste des habitats patrimoniaux, ce qui limite la création de zones de protection forte pour certaines espèces. Ainsi, pour l’Alyte accoucheur, une espèce quasi menacée [NT] affectionnant particulièrement les vieux lavoirs ruraux, près de 80 % des observations ont été réalisées en dehors de zones de protection. Il en est de même pour la Vipère aspic, considérée comme en danger [EN], qui est très dépendante des haies, des ronciers et des lisières, habitats généralement oubliés des politiques de conservation. À l’inverse, certaines espèces affectionnant les milieux naturels préservés sont plutôt bien intégrées dans le réseau de protection. C’est le cas du Triton marbré, principalement localisé dans les massifs de Fontainebleau et de Rambouillet, dont plus de 90 % de l’aire d’occurrence est protégée.
À une échelle plus large, le Schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF-E) définit, en tenant compte du Schéma régional de cohérence écologique (SRCE), les grandes orientations de l’aménagement du territoire à l’horizon 2040. Ce schéma comprend, notamment, des orientations réglementaires et des cartes opposables, qui permettent de cadrer le développement urbain. Plusieurs de ces dispositifs visent à préserver le patrimoine naturel de la région. Une armature verte à sanctuariser y est définie pour la préserver de toute nouvelle urbanisation. En articulation avec le SRCE, le SDRIF-E renforce la protection de points fragiles et précieux des continuités écologiques régionales, notamment à travers l’identification de « connexions écologiques d’intérêt régional » au sein des espaces ruraux et de « liaisons vertes » au sein des espaces urbains. Enfin, des « fronts verts d’intérêt régional » sont définis pour contenir l’étalement urbain et préserver ainsi les espaces agricoles et naturels situés au-delà desdits fronts. Ces dispositions réglementaires associées à l’actualisation du SRCE, datant de 2013, visent à renforcer la mise en œuvre de la Trame verte et bleue sur l’ensemble du territoire francilien, y compris dans les espaces très urbanisés.

DES CONSTATS EN ATTENTE DE RÉSULTATS

Cette nouvelle Liste rouge régionale des amphibiens et reptiles franciliens s’ajoute aux six précédentes (oiseaux, plantes vasculaires, chauves-souris, papillons de jour, libellules et orthoptéroïdes). Force est de constater que plus les connaissances sur la biodiversité s’améliorent, plus le tableau s’assombrit. La crise du vivant est une réalité en Île-de-France, et touche une multitude d’espèces, des plus ordinaires aux plus patrimoniales. Face aux défis que cela représente, il apparaît urgent de renforcer et de mettre à jour les dispositifs de protection et de restauration de la biodiversité en Île-de-France, et ce, dans tous les milieux. Dans cinq à dix ans, l’actualisation de cette Liste rouge sera l’occasion de mesurer l’efficacité des actions mises en place. Le changement de catégorie de menace des espèces sera l’indicateur qui permettra d’en suivre les effets.■

1. Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), 2015.
2. L’Environnement en Île-de-France. Diagnostic et enjeux, L’Institut Paris Region, 2022.
3. Ibid.
4. Summary for policymakers of the global assessment report on biodiversity and ecosystem services, Institut de pharmacologie et biologie structurale (IPBES), 2019.
5. Grimm, A., Prieto Ramirez, A. et al. (2014). Life-history trait database of European reptiles species. Nature Conservation, 9, 45-67.
6. Fritsch, C., Appenzeller, B., et al. (2022). Pervasive exposure of wild small mammals to legacy and currently used pesticide mixtures in arable landscapes. Scientific Reports, 12(1), 15904.
7. Organisation météorologique mondiale, 2024.
8. Macdonald, K J., Driscoll, D. A., et al. (2023). Meta-analysis reveals impacts of disturbance on reptile and amphibian body condition. Global Change Biology, 29(17), 4949-4965.

LA LISTE ROUGE RÉGIONALE : UN INDICATEUR PARTENARIAL

La Liste rouge régionale des amphibiens et des reptiles d’Île-de-France, établie selon la méthodologie appliquée depuis près de 60 ans par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), a mobilisé la Société herpétologique de France (SHF), le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), l’Office national des forêts (ONF), le Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse, les Départements de la Seine-et-Marne et du Val-d’Oise, le CPIE* des boucles de la Marne, l’association NaturEssonne, ainsi que de très nombreux experts et bénévoles. Le Comité français de l’UICN et le MNHN, en mobilisant l’expertise d’un vaste réseau de naturalistes et de scientifiques, appliquent la même méthodologie pour établir une Liste rouge nationale des espèces menacées. Ils encouragent toutes les régions qui le souhaitent à engager l’élaboration de Listes rouges régionales, afin que chacune puisse construire son propre état des lieux de la faune, de la flore et de la fonge (champignons) de son territoire. L’Île-de-France s’est engagée avec une grande efficacité dans cette voie et a publié, avec l’appui de l’ARB ÎdF, une série de Listes rouges franciliennes, dont les dernières s’intéressent aux criquets et sauterelles, aux chauves-souris, ou aux oiseaux. La Liste rouge n’est pas un simple catalogue d’espèces associées à une évaluation de leur risque d’extinction, mais aussi un mécanisme important de compilation, de synthèse et de diffusion de données actualisées sur les espèces considérées. Cet indicateur doit permettre d’orienter les politiques et les actions en faveur de la biodiversité, en cohérence avec les urgences mises en lumière par ces travaux d’évaluation.

* CPIE : Centre permanent d’initiatives pour l’environnement.

LES SERPENTS VICTIMES DE LEUR MAUVAISE RÉPUTATION

La peur des serpents est encore aujourd’hui très répandue. Vestige de notre passé évolutif, cette crainte a autrefois conditionné la survie de nos ancêtres, mais perdure encore alors qu’ils ne représentent plus une menace sous nos latitudes. Qu’il s’agisse des vipères, tant redoutées, ou des couleuvres, très souvent confondues, les serpents ne sont pas appréciés et les rencontres fortuites tournent encore souvent au drame, avec la mort de l’animal. Malgré leur protection intégrale depuis 2021, les vipères sont les premières cibles de ces destructions volontaires alors qu’il s’agit d’animaux craintifs, qui préféreront toujours la fuite à la confrontation. Il est d’ailleurs difficile de trouver un seul cas documenté de décès lié à une morsure de vipère en France métropolitaine depuis 20 ans. Le développement d’un anti-venin efficace, l’amélioration de la prise en charge des patients et la forte raréfaction des vipères ont définitivement écarté l’enjeu sanitaire qu’elles ont pu représenter à une époque. C’est pour éviter que ces rencontres ne se concluent par la mort d’un serpent que le réseau SOS Serpents a été créé. Actuellement implanté dans plusieurs régions, ce réseau de bénévoles se consacre à la médiation et, en dernier recours, à l’intervention pour assurer la sécurité des animaux et des personnes. L’objectif est de favoriser une coexistence pacifique entre les serpents et les êtres humains, en promouvant une meilleure compréhension de ces animaux fascinants et en préservant leur rôle crucial dans les écosystèmes.

VERS UNE COMMUNAUTÉ ERC EN ÎLE-DE-FRANCE

Outre la nécessité d’appliquer plus rigoureusement la réglementation définissant la séquence « Éviter-Réduire-Compenser » (ERC), l’établissement d’une communauté intégrant les acteurs régionaux impliqués dans la mise en œuvre de mesures ERC (maîtres d’ouvrage, opérateurs fonciers et de compensation, services de l’État et de la Région, élus, bureaux d’études et experts de la communauté scientifique) permettrait de répondre à plusieurs enjeux : améliorer le dialogue entre les différents acteurs, acculturer et former aux mesures efficaces, établir une stratégie de compensation répondant aux politiques publiques régionales (SRB, SRCE, SNAP)*.

* SRB : Stratégie régionale pour la biodiversité.
SRCE : Schéma régional de cohérence écologique.
SNAP : Stratégie nationale pour les aires protégées.

1 000 MARES EN ÎLE-DE-FRANCE

Dans l’objectif de renforcer les zones humides et la trame verte et bleue du territoire francilien, la Région Île-de-France déploie un dispositif dédié au soutien des projets de création et de restauration de mares. Ce dispositif, destiné aux collectivités et aux associations, propose une aide financière allant jusqu’à 5 000 euros par mare pour la création, et 2 500 euros par mare pour la restauration. Les porteurs de projets sont invités à consulter le cahier des charges du dispositif et les préconisations techniques de la Société nationale de protection de la nature (SNPN) avant de déposer leur dossier sur mesdemarches.iledefrance.fr.

Cette étude est reliée aux catégories suivantes :
Listes rouges régionales | Faune | Milieux naturels

Études apparentées