Bruit et biodiversité

Rapport d'étude de Bruitparif

01 mars 2020

L’humanité est entrée dans une crise écologique globale qui se traduit par une vaste série de phénomènes de très grande ampleur. Le plus célèbre et le plus médiatisé d’entre eux est sans doute le changement climatique global, mais celui-ci est loin d’être le seul en cause. Selon le Stockholm Resilience Center, la crise écologique mondiale est en effet caractérisée par neuf dimensions cruciales : le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, la perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, les changements d'utilisation des sols, l’acidification des océans, l’utilisation mondiale de l’eau, l’appauvrissement de la couche d'ozone stratosphérique, l'augmentation des aérosols dans l’atmosphère et l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère*. Au quotidien, les manifestations de ces désordres globaux peuvent sembler discrètes, en particulier dans les pays industrialisés.

Au registre des pollutions, le grand public pense le plus souvent spontanément à la pollution de l’air, mais il faut y ajouter notamment la pollution chimique des eaux et des sols, qui se traduisent chez la plupart des organismes vivants par la présence au sein même de leurs tissus de substances toxiques variées, y compris d’origine médicamenteuse. Nous verrons ici que le bruit est lui aussi à l’origine d’une pollution non négligeable. Si la pollution sonore reste souvent négligée, c’est sans doute tout simplement parce qu’elle est impalpable et invisible, à une heure où le sens de la vue l’emporte sans aucun doute sur tous les autres. Pourtant, elle est vivement ressentie par les êtres humains, comme le documente régulièrement Bruitparif, et ses effets sont loin d’être négligeables sur la santé humaine selon l’Organisation mondiale de la santé : selon les courbes dose-réponse qu’elle propose, ce sont par exemple pour le cœur de l’Île-de-France près de 108 000 années de vie en bonne santé qui seraient ainsi perdues chaque année en raison du bruit des transports, soit près de onze mois de perte de vie en bonne santé en moyenne par habitant sur une vie entière. La pollution sonore est vivement ressentie par la population et le législateur a par conséquent introduit au fil du temps un certain nombre de dispositions pour protéger la santé humaine des effets néfastes du bruit. La pollution sonore a augmenté depuis l’entrée de l’humanité dans l’ère industrielle, et en particulier depuis le XXe siècle, époque à laquelle les applications de l’industrie se sont généralisées : mines, chimie, électricité, manufactures et industrie, transports mécanisés.

Nous verrons au fil de ces pages qu’il ne fait aucun doute que la modification de l’environnement sonore fait partie des changements majeurs que l’humanité inflige à l’environnement et en particulier à la biodiversité. Car si le bruit affecte les humains, il est de plus en plus clair que cette forme de nuisance concerne aussi les autres formes de vie. C’est particulièrement le cas pour les animaux : nous verrons ici que le bruit affecte la capacité des animaux à communiquer, capacité qui détermine toute une série de leurs comportements vitaux. Le bruit a en effet des conséquences directes sur les capacités de survie des animaux (voire de certaines plantes), en première approche en raison de son influence sur leurs aptitudes comportementales, mais aussi parce que le bruit affecte le bon fonctionnement de leur métabolisme*. Le bruit modifie donc négativement le comportement des animaux, l’état de santé des espèces et modifie l’équilibre des écosystèmes. Dans ces conditions, il y a lieu de s’interroger sur le fait que la recherche scientifique s’intéresse globalement encore assez peu à l’influence du bruit sur la bonne santé des espèces vivantes, même si de premiers travaux de synthèse commencent à être publiés. Si l’attention de la recherche à l’impact du bruit sur les êtres humains montre un intérêt certain, les travaux consacrés à l’impact du bruit sur la faune et sur la flore sont relativement récents. Notons tout d’abord que si la pollution sonore est peu étudiée par les biologistes et les écologues, c’est parce qu’il est souvent difficile de l’analyser spécifiquement : ainsi, une route peut avoir des effets de fragmentation de l’habitat, de perturbation visuelle, de mortalité routière, de pollution chimique, etc. Il est donc souvent très difficile d’estimer la force d’impact de la seule composante qu’est le bruit. Pourtant, un nombre croissant d’études permet de dresser un premier état des lieux, ce qui est l’objet de ce rapport d’étude. Ce rapport commencera donc, en préambule, par caractériser rapidement l’état de la biodiversité, ainsi que la nature du bruit et de la pollution sonore. Il s’efforcera ensuite, dans une première partie, d’évoquer les principaux effets des impacts du bruit anthropique sur la biodiversité marine et terrestre, en s’appuyant pour cela sur les synthèses existantes et sur un certain nombre d’études et d’ouvrages dédiés à la question, après avoir présenté les disciplines scientifiques qui étudient les relations entre le monde vivant et la dimension du sonore (bioacoustique et éco-acoustique). BRUITPARIF / RAPPORT D’ÉTUDE Bruit et biodiversité Mars 2020 / 6 La deuxième partie de l’étude s’intéressera à l’influence de la biodiversité sur le bruit, et essentiellement aux avantages que la végétation peut apporter en termes de réduction des signaux sonores, mais aussi (en ce qui concerne notamment l’espèce humaine) de contribution au confort acoustique. L’étude se terminera par une présentation des ressources réglementaires en termes de protection acoustique de la biodiversité.

Cette étude est reliée aux catégories suivantes :
Flore et végétations | Faune | Milieux naturels

Études apparentées