Liste rouge régionale des amphibiens et reptiles d'Île-de-France
Cette Liste rouge régionale, réalisée à partir de la méthodologie de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), dresse un état des lieux des menaces pesant sur les amphibiens et les reptiles d’Île-de-France. Elle constitue une nouvelle référence standardisée reconnue internationalement.
Issu de l’analyse de 48 357 données collectées sur plusieurs dizaines d’années d’observations par 1364 contributeurs, cet ouvrage vient enrichir les politiques publiques et s’adresse aux gestionnaires, élus, aménageurs et à toute autre personne désireuse de mieux prendre en compte la biodiversité. Ce travail est l’aboutissement d’un partenariat fort entre l’Agence régionale de la biodiversité (ARB ÎdF) et de nombreux acteurs franciliens et nationaux : Société Herpétologique de France (SHF), Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), Office National des Forêts (ONF), Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse, NaturEssonne, Conseil départemental de Seine-et-Marne (CD 77). Fort de cette expertise, ce document propose un état actualisé des connaissances disponibles sur l’état de l’herpétofaune, sur les menaces auxquelles elle fait face, mais aussi sur les solutions disponibles pour la préserver.
Les amphibiens et les reptiles ont une biologie particulièrement intéressante pour évaluer l’état de conservation des milieux dans lesquels ils évoluent et, à l’inverse, des territoires desquels ils ont disparu. Les amphibiens, à travers leur relation particulière avec les milieux aquatiques, informent sur l’état de conservation des mares, étangs et mouillères franciliennes. C’est également l’un des premiers taxons auquel on fait référence lorsqu’il s’agit de traiter des continuités écologiques parce que leurs migrations, particulièrement impressionnantes chez certaines espèces, et leurs modes de déplacement les rendent très sensibles aux activités humaines et à la structuration des paysages. Les reptiles, quant à eux, sont majoritairement associés aux milieux d’interfaces ou transitoires sur lesquels l’activité humaine est réduite tels que les lisières, landes et bosquets.
Ils font également partie des groupes bénéficiant du niveau de protection parmi les plus élevés en Europe. Ainsi, la majeure partie des espèces bénéficient d’une protection stricte prohibant l’atteinte aux individus (impliquant leurs parties ou produits) et à leurs habitats. Néanmoins, malgré ce statut d’espèces patrimoniales, leur état de conservation est particulièrement préoccupant. Sur les 27 espèces répertoriées et évaluées dans cet ouvrage, 26 % sont menacées et plus de 30 % sont quasi menacées.
Ces chiffres alarmants témoignent avant tout de la disparition des habitats de prédilection des amphibiens (boisements, zones humides) et reptiles (lisières, landes, fourrés), liée à l’intensification agricole et la densification urbaine. Entre 2000 et 2017, on estime que 47 % des surfaces de milieux herbacés humides ont disparu, il en va de même pour les milieux herbacés calcaires (-42 %), les landes (-21 %) et les prébois calcaires (-25 %) : des milieux à fort intérêt écologique qui hébergent de nombreuses espèces patrimoniales pour la région. Conjointement à une urbanisation importante, l’Île-de-France s’est dotée d’un réseau routier et autoroutier conséquent pour desservir ses infrastructures. On estime que celui-ci représente près de 40 000 kilomètres linéaires. Si l’on rapporte ce linéaire à la superficie de la région, la densité de route francilienne est en moyenne de 3,3 km/km². En comparaison, la trame bleue francilienne (rivières, fleuves et milieux humides) ne représente que 0,6 km/km². Ce paysage francilien, de plus en plus morcelé et uniformisé, entrave le déplacement de ces espèces aux capacités de dispersion limitées, mettant en danger la pérennité de cycles biologiques comme la migration nuptiale des amphibiens.
En outre, les pollutions chimiques issues des aires urbaines et de certaines pratiques agricoles sont une menace sérieuse pour l’environnement. Des substances telles que les métaux lourds, les dioxines, les résidus de molécules médicamenteuses, les produits phytosanitaires et les microplastiques contaminent chroniquement les écosystèmes. Ces produits nocifs s’y accumulent et, par diffusion passive, intoxiquent les réseaux trophiques (chaînes alimentaires). Les organismes tels que les amphibiens et les reptiles subissent les effets néfastes de ces polluants. Les concentrations élevées de substances chimiques altèrent les capacités des individus en matière de nourrissage, de mobilité et de reproduction. Ces altérations peuvent entraîner des dysfonctionnements physiologiques, des diminutions de la viabilité des populations et éventuellement des extinctions locales. Le changement climatique constitue également une menace pour ce groupe. Pour les amphibiens et les reptiles, les paramètres climatiques (température, précipitation, photopériode) sont des signaux qui régulent les différentes phases de leur cycle de vie. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses compromet la reproduction des amphibiens en condamnant les pontes et larves dans des mares asséchées de plus en plus tôt. L’augmentation moyenne des températures a également des implications à large échelle. Les espèces sont adaptées à des conditions environnementales strictes et, si celles-ci évoluent au-delà de leur seuil de tolérance, elles se déplacent ou disparaissent car le milieu n’est plus adapté à leur survie. C’est notamment ce processus qui, sur des échelles de temps importantes, a façonné la répartition de la biodiversité, tant sur le globe qu’en Île-de-France. Cependant, pour se déplacer et suivre les évolutions du climat, les espèces ont besoin de corridors et de milieux favorables qui pourront les accueillir. Cet ensemble de conditions est rarement atteint dans des contextes très perturbés comme l’Île-de-France, ce qui augmente fortement les risques d’extinctions à l’échelle régionale pour les taxons fuyant la hausse des températures.
Enfin, les impacts issus des changements climatiques peuvent également être indirects en favorisant l’émergence de pathologies particulièrement graves chez les amphibiens. C’est le cas pour la Chytridiomycose, maladie liée à un champignon qui décime les populations d’amphibiens là où il est introduit. Face à ces constats inquiétants, des solutions existent. À l’échelle nationale, l’élaboration du futur Plan national d’action sur les vipères, et sa déclinaison régionale, permettront d’initier des politiques locales ambitieuses pour la conservation de ces espèces méconnues. La mise à jour de la Stratégie de création des aires protégées (SCAP) constitue un levier pour sanctuariser les sites abritant des espèces menacées qui bénéficient encore trop peu de ces zonages. À l’échelle locale, les documents de planification permettent d’identifier les sites à préserver ou à renaturer. Grâce à une meilleure prise en compte des besoins de ces espèces, il est possible de recréer des milieux favorables afin d’enrayer le déclin des populations. Enfin, une meilleure prise en compte de ces groupes dans l’application de la séquence Éviter-Réduire-Compenser doit permettre de limiter les projets ayant un impact significatif sur les populations d’amphibiens et de reptiles et de mieux les intégrer aux éventuelles mesures compensatoires. Ce document constitue un état de l’art des connaissances actuelles sur les amphibiens et les reptiles franciliens et propose un ensemble d’outils réglementaires et techniques pour mieux les prendre en compte et les préserver.
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