Petit glossaire des formes d’agriculture urbaine

11 décembre 2020ContactLucile Dewulf

La typologie présentée ci-dessous se concentre tout particulièrement sur les jardins de loin l’espace le plus utilisé en agriculture urbaine. C’est un donc essai de classification qui nourri des différentes pratiques et formes rencontrées en Amérique du Nord et en Europe.

Jardins privés

L’agriculture de proximité, dans les cours-arrières des habitations, a été pratiquée de tout temps. On voit très bien sur les cartes de villes du moyen-âge que des jardins potagers sont accolés aux habitations. À cette époque, il pouvait être dangereux de s’éloigner de l’agglomération, impossible de transporter des aliments sur de grandes distances ou encore, on devait prévoir l’approvisionnement de nourriture en cas d’état de siège. Cette forme d’agriculture, encore très présente dans les villes, est souvent mal connue, car dispersée. Actuellement, cette forme d’AU regroupe autant des jardins dans les cours-arrières que dans les cours avant, les jardins en bacs sur des balcons ou sur des toits.  

Jardins ouvriers-familiaux

Les jardins potagers dissociés de l’habitation et cultivés en potager existent également depuis longtemps dans les agglomérations urbaines. Les jardins dits ouvriers ou familiaux sont la première manifestation de cette réalité et du mouvement de l’agriculture urbaine tel qu’on le connaît aujourd’hui. À l’ère de l’industrialisation, ces jardins ont été conservés pour des raisons de proximité, de transport et de conservation des aliments. Aussi, ces petits espaces étaient souvent laissés aux paysans venant trouver du travail dans les manu-factures, d’où l’appellation de « jardins ouvriers ». Après un certain déclin au 20e siècle, ce type d’agriculture urbaine a développé, au 21e siècle, un nouveau visage et adopté le nom de « jardins familiaux ». Les jardins ouvriers ou familiaux sont une forme d’agriculture urbaine encore très présente de nos jours en Europe. Il existerait à Berlin 67 961 jardins ouvriers alors qu’aux Pays-Bas, on en compterait 240 000 et environ 1 000 associations qui chapeautaient ceux-ci. La France, qui a changé officiellement l’appellation de « jardins ouvriers » à « jardins familiaux » en 1952, en compterait environ 9 000. C’est peu si l’on considère qu’en 1920, on y dénombrait 47 000 jardins ouvriers et qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce nombre est monté à 250 000. .

Les jardins ouvriers sont apparus aux Pays-Bas en 1838. Au 19e siècle, les municipalités attribuèrent des terrains aux familles d’ouvriers. En 1928, les associations apparurent à l’échelle nationale grâce à la Confédération générale des producteurs populaires des Pays-Bas. Jusqu’aux années 1950, les jardins ont été utilisés principalement pour produire des légumes. Depuis, ils sont plutôt devenus une occupation de loisir.

En Allemagne, les jardins ouvriers se seraient développés grâce au médecin et pédagogue Moritz Schreber qui commença dès la seconde moitié du 19e siècle à promouvoir l’idée des jardins ouvriers. Cette promotion était le prolongement de ses travaux sur la santé publique, soit l’idée de permettre aux ouvriers de se détendre par la pratique du jardinage et la jouissance d’un environnement sain et reposant. De plus, la culture de fruits et de légumes destinée à la consommation directe visait à améliorer l’alimentation des travailleurs. Ces jardins, entretenus collectivement par les ouvriers, se sont développés rapidement dans tout le pays. Aujourd’hui, les Schrebergarten (7)  sont une véritable institution en Allemagne, avec des règles strictes (hauteur des haies, surface des cabanes et des espaces cultivés, règles d’attribution, etc.).

En France, la loi du 26 juillet 1952 retient le terme « jardins familiaux ». Le cadre légal est défini par le code rural : les jardins familiaux doivent être gérés par des associations à but non lucratif. Les associations de jardins familiaux ont pour but de créer, d’aménager et de gérer des parcelles mises à leur disposition par des collectivités publiques ou semi-publiques, par des organismes logeurs ou par d’autres propriétaires. Moyennant une cotisation annuelle, ces jardins sont confiés à des jardiniers amateurs qui les cultivent uniquement pour les besoins de leur foyer, à l’exclusion de tout usage commercial. Les critères généralement retenus pour obtenir une parcelle sont l’appartenance à la commune, la mixité sociale et la proximité géographique puisque le jardin demande un entretien régulier y compris en semaine. L’usage commercial est exclu. La demande étant largement supérieure à l’offre, les délais d’obtention d’un jardin peuvent parfois atteindre plusieurs années. Les parcelles des jardins ouvriers/familiaux sont d’une superficie variable, quoiqu’elles soient toujours de quelques centaines de mètres carrés, sur lesquelles se trouve généralement un cabanon.

Jardins d’insertion

À Montréal, une autre forme de jardins urbains est apparue à la fin des années 1990. Issu du mouvement associatif, le jardin collectif est composé d’une parcelle unique, jardinée conjointement par un groupe de membres. Ces membres choisissent ensemble les espèces à cultiver. Ils se partagent le travail horticole et les récoltes. Le plus souvent, un animateur est présent pour assurer formation et soutien liés au travail horticole et à la prise de décision collective. Cette façon conviviale de jardiner permet la rencontre entre résidents d’un même quartier. L’échange entre jardiniers et le soutien de l’animateur horticole favorisent également le développement de compétences horticoles chez les participants. Aussi, plusieurs de ces jardins distribuent une partie de leurs récoltes auprès d’organismes d’aide alimentaire, contribuant ainsi à la vitalité de leur communauté. Par ailleurs, les jardins collectifs s’inspirent généralement des principes de l’agriculture biologique. Ils permettent donc l’accès à des légumes frais et de qualité. On compte actuellement 87 jardins collectifs à Montréal.

Les jardins collectifs correspondent en partie à ce qui est appelé en France, les « jardins d’insertion ». Les objectifs de ces jardins sont la réinsertion de personnes en difficultés sociales ou professionnelles. Il existe différentes formes de projets en agriculture urbaine visant la réinsertion sociale ou économique. Certains jardins collectifs le font, tels que la Croisée de Longueuil20[1] (Québec). D’autres sont des projets agricoles en zone périurbaine tels que la ferme D-trois Pierres[2]. Les jardins de Cocagne (France) sont également des jardins collectifs à vocation d’insertion sociale. Ils sont gérés sous forme d’associations à but non lucratif. Ces jardins s’adressent à des personnes qui se trouvent en situation précaire (personnes sans revenus, sans domicile, chômeurs de longue durée, n’ayant jamais travaillé, etc.). Dans les jardins de Cocagne, les légumes sont cultivés selon les principes de l’agriculture biologique, puis sont distribués sous forme de paniers hebdomadaires à un réseau d’adhérents-consommateurs.

Jardins partagés

Au début des années 2000, des collectifs citoyens parisiens investissent des terrains vacants pour y jardiner. En 2002, la Ville de Paris, consciente de l’existence de dynamiques similaires à Lille, Lyon et Nantes, a souhaité accompagner ces initiatives citoyennes pour les faciliter et les rendre légitimes.

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