La réserve naturelle régionale des Îles de Chelles

29 juin 2020ContactOlivier Renault

 

Fermées au public et situées dans une zone non navigable de la Marne, à une vingtaine de kilomètres à l'Est de Paris, les îles de Chelles forment une véritable zone de tranquillité intégrale pour la faune et la flore. Cet environnement à caractère naturel, situé dans une zone urbaine dense, permet à de nombreuses espèces de s'y réfugier. De tailles variables et très proches les uns des autres, les îles et îlots génèrent de nombreux chenaux à l'origine d'écoulements variables et d'habitats aquatiques divers.

La réserve, d’une superficie totale de 5 ha, est constituée de deux secteurs : 
- Les îles refuges sont situées au centre du lit de la rivière. Très proches des unes des autres, elles sont de taille variable. Elles génèrent de nombreux chenaux et créent une diversité d’écoulements et d’habitats aquatiques.

- Les îles de l’impressionnisme sont décentrées par rapport au lit de la Marne et créent un bras principal et un bras secondaire.

Bien qu'étant la plus petite réserve francilienne, plus de 180 espèces végétales dont deux espèces protégées à l'échelle nationale, la Cardamine impatiente (Cardamine impatiens) et la Cuscute d'Europe (Cuscuta europaea), y ont été recensées. Le site accueille également des oiseaux inféodés aux milieux aquatiques alluviaux présentant un intérêt patrimonial fort et plusieurs espèces de poissons peu communes, telles que le Chabot (Cottus gobbio) ou encore la Lamproie fluviatile (Lampetra fluviatilis). Aussi, de nombreuses espèces d'insectes rares ou très rares en Ile-de-France comme Donacia crassipes ont pu y être inventoriées. Un des atouts majeurs du site concerne la diversité des habitats du site faisant de ce sanctuaire urbain un véritable lieu de quiétude pour de nombreuses espèces.

Le domaine a été classé comme "Réserve Naturelle Régionale" (RNR) par délibération du Conseil régional du 27 novembre 2008. Une grande partie de la RNR s'inscrit dans la Zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) de type I "La Marne à Vaires-sur-Marne" et dans la ZNIEFF  de type II "Vallée de la Marne de Gournay-sur-Marne à Vaires-sur-Marnes". La présence d'autres ZNIEFF et de sites Natura 2000 (Parc de la Haute Île et Bois de Vaires-sur-Marne) à proximité du site lui confère d'être intégrée dans un réseau d'espaces semi-naturels d'intérêt écologique considérable. Toutes ces particularités font de la RNR un territoire à fort enjeu pour le patrimoine naturel.

De manière générale, les îles ont un profil semblable, avec des boisements alluviaux dans leur partie centrale, un boisement arbustif plus ou moins important sur leurs berges et une végétation hygrophile comprenant notamment des herbiers et des communautés à lentilles d'eau. Au total, sept habitats naturels ou semi-naturels ont été identifiés dans la réserve mais l'intérêt patrimonial du site réside en partie dans ses cortèges floristiques. On y retrouve ainsi un habitat de l’annexe I de la directive « Habitats » : les Mégaphorbiaies eutrophes des eaux douces, qui abritent la Cuscute d'Europe (Cuscuta europaea), espèce très rare et protégée au niveau régional. Cependant, cet habitat semble menacé au sein de la réserve, il ne recouvre en effet qu'une toute petite surface (0,02 ha) tandis que la dynamique naturelle de la végétation tend vers une homogénéisation des habitats qui convergent vers des boisements moyennement humides dégradés. Les Aulnaies-frênaies riveraines, les frênaies-érableraies. La végétation aquatique et celle des grèves exondées ont également été identifiés comme étant à fort enjeux écologique. Les berges à végétations herbacées présentent des pentes abruptes, et si elles accueillent ponctuellement une végétation hélophytique peu typique, leur cortège floristique tend souvent vers celui des friches humides.

Par conséquent, bien que les habitats recensés sur la réserve ne présentent pas un intérêt phytoécologique absolu, ils abritent une diversité floristique forte. Nombre d'espèces patrimoniales y ont été inventoriées. A titre d'exemple, le Chénopode du bon Henri (Blitum bonus-henricus), le Potamot noueux (Potamogeton nodosus), la Rorippe des bois (Rorippa sylvestris), la Sagittaire à feuilles en coeur (Sagittaria sagittifolia) ou encore, la Vallisnérie en spirale (Vallisneria spiralis) sont des espèces très rares en Ile-de-France qui ont été inventoriées au sein de la RNR. Deux espèces protégées en Île-de-France ont été inventoriées sur le site : la Cuscute d'Europe (Cuscuta europaea), presque exclusivement présente en basse vallée de la Marne et de la Seine, et la Cardamine impatiente (Cardamine impatiens). 

La réserve revêt également une importance majeure pour la faune piscicole grâce aux herbiers aquatiques qui procurent des habitats favorables à la reproduction de plusieurs espèces de poissons. Avec pas moins de 17 espèces recensées, la RNR héberge un peuplement piscicole diversifié. Quatre espèces dominent le peuplement : le Chevaine (Squalius cephalus), le Goujon (Gobio gobio), le Gardon (Rutilus rutilus) et l'Anguille (Anguilla anguilla) classée "en danger critique d'extinction" à l'échelle nationale. Parmi les espèces remarquables présentes, on mentionnera le Chabot commun (Cottus gobio) et la Bouvière (Rhodeus amarus), qui a la particularité d'entrer en symbiose avec une moule d'eau douce du genre Anodonta ou Unio. Cette diversité démontre une eau bien oxygénée et des îles pour lesquelles les berges assurent de bonnes fonctions d'alimentation, d'abri et de reproduction pour l'ichtyofaune. Notons aussi la reproduction sur le site du Brochet (Esox lucius), espèce déterminante de ZNIEFF en Île-de-France. La végétation arbustive rivulaire joue quant à elle un rôle majeur pour la reproduction d'espèces comme la Lote de rivière (Lota lota), déterminante de ZNIEFF également, ou la Perche (Perca fluviatilis) qui enroule ses œufs dans le chevelu racinaire immergé des arbres.

Concernant les invertébrés, près de 350 espèces d'insectes ont été recensées sur l'aire d'étude. Notons la présence sur le site du Gomphe vulgaire (Gomphus vulgatissimus) et de la Libellule fauve (Libellula fulva) pour le groupe des odonates ainsi que de nombre d'espèces de coléoptères remarquables telles que Dyschirius intermedia, Melandrya barbata, espèce déterminante de ZNIEFF en Île-de-France, le Scarabée rhinocéros européen (Oryctes nasicornis) ou encore Rhamnusium bicolor. Concernant les mammifères,  cinq espèces de chauves-souris sont mentionnées sur le site : la Pipistrelle commune (Pipistrellus pipistrellus), le Murin de Daubenton (Myotis daubentonii), la Noctule commune (Nyctalus noctula), la Pipistrelle de Kuhl (Pipistrellus kuhlii) et, la Pipistrelle de Nathusius (Pipistrellus nathusii). Ces espèces sont toutes protégées à l'échelle nationale. Au vu des habitats, plus d'espèces seraient à même de fréquenter le site : des inventaires chiroptérologiques effectués à proximité de la réserve ont en effet révélé la présence de plusieurs autres espèces. Ces dernières pourraient fréquenter le domaine. 

Quant à l'avifaune, même s'il paraît évident que des inventaires supplémentaires permettraient sans doute d'allonger la liste des espèces observées sur le site, il semble toutefois que la réserve ne constitue pas un enjeu majeur pour la conservation des oiseaux dans la région. La surface limitée des îlots, la faible taille de la réserve et son caractère urbain ne jouent pas en faveur d'une diversité avifaunistique exceptionnelle. Pour autant, la tranquillité des lieux assurée par la limitation des accès terrestres et fluviaux permet à certaines espèces plus ou moins communes de s'y reproduire en toute quiétude. Signalons, par exemple, la nidification du Martin-pêcheur d'Europe (Alcedo atthis) et de la Bergeronnette des ruisseaux (Motacilla cinerea) ou encore l'observation en plusieurs points de la réserve du Pic épeichette (Dendrocopos minor) et de l'Hirondelle de rivage (Riparia riparia).

Afin d'entretenir et d'assurer le maintien du patrimoine naturel de la réserve, des missions de génie écologique de gestion conservatoire sont mises en place par le gestionnaire, la communauté d’agglomération de Paris – Vallée de la Marne afin de préserver la biodiversité associée aux différents habitats.

L’une des actions prioritaires de cette gestion concerne le maintien de la Mégaphorbiaie qui abrite la Cuscute d’Europe, espèce pour laquelle la RNR a une très forte responsabilité régionale. Par ailleurs, des apports en eau et la limitation du développement d'espèces à caractère envahissant telles que l’Erable negundo (Acer negundo) à l’Aulnaie-saulaie, dont l'état de conservation est aujourd’hui menacé, de se maintenir. La gestion d’une mosaïque de milieux ouverts et de vieux boisements est également essentielle pour la conservation des populations de chiroptère. Des protections artificielles ont été installées dans le but de freiner l'érosion naturelle des îles. Certaines berges ont quant à elles été sujettes à un reprofilage en pente douce favorable à l'instauration de plantes hélophytes, habitat privilégié de nombre d'odonates et de poissons. 

La RNR des îles de Chelles a pour vocation de s’intégrer dans le tissu local via l’accueil et la sensibilisation des scolaires et du grand public, mais aussi de participer à des expérimentations en jouant un rôle scientifique, artistique et citoyen. Dans cette optique, divers aménagements tels que des platelages ou des observatoires couverts permettent aux visiteurs d’apprécier le patrimoine naturel associé à la réserve. 

Repères

Superficie : 5 ha

Gestionnaire : Communauté d'Agglomération de Paris-Vallée de la Marne

Propriétaire : Commune de Chelles

Date de classement : 27/11/2008

Localisation : Chelles (77)

Accès non autorisé; patrimoine naturel observable depuis les berges de la Marne.

 

Pour Contacter le gestionnaire : 

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