La réserve naturelle régionale du site géologique de Vigny-Longuesse

29 juin 2020ContactOlivier Renault

Située dans le Parc naturel régional (PNR) du Vexin français, la réserve naturelle régionale du site géologique de Vigny-Longuesse est à cheval sur les communes de Vigny et de Longuesse localisées dans le département du Val-d’Oise, à une dizaine de kilomètres au nord-ouest de Cergy-Pontoise et à une quarantaine de Paris. D’une superficie d’environ 21 ha, cette ancienne carrière de calcaire offre une visibilité sur la transition entre les ères Secondaires et Tertiaires et constitue le seul complexe récifal fossile connu dans le Tertiaire du Bassin parisien. De 1830 à nos jours, le site a fait l’objet de plus de 140 publications dans des domaines aussi variés que la géologie, la géomorphologie ou la paléontologie. Il est devenu une référence internationale en matière de stratigraphie, puisqu’il a contribué, avec les carrières de Faxe au Danemark et de Laversines dans l’Oise, à la définition de l’étage du Danien (-65 à -60 millions d’années environ), premier étage du Paléocène.

Les calcaires de Vigny visibles au cœur de l’anticlinal crevé, correspondent à différents types de dépôts :

  • Des calcaires récifaux à madrépores (coraux de récifs des mers tropicales) affleurant largement dans le Bois des Roches, ou en blocs ponctuels dans les carrières ;
  • Des calcaires péri-récifaux surtout faits de débris roulés d'algues calcaires, dits "pisolithiques" - les plus exploités et commercialisés ;
  • Et, des dépôts issus de re-sédimentations par glissement sous-marins.

Jusqu'à présent, les calcaires de Vigny ont livré un patrimoine considérable et sans doute très incomplet de 350 espèces fossiles. La RNR du site géologique de Vigny-Longuesse offre l’une des uniques occasions de faire l'inventaire des faunes existant au tout début du Tertiaire en milieu marin récifal et péri-récifal. On peut ainsi évaluer les proportions des organismes ayant franchi ou non la limite fatidique de la crise d'extinction sévère correspondant au passage du Crétacé au Tertiaire. De nombreuses études paléontologiques et paléo-écologiques sont en cours sur ce thème. Outre la géologie exceptionnelle du site, la réserve abrite une faune et une flore remarquables pour l'Ile-de-France et pour la plupart, des espèces liées aux habitats pionniers recolonisant l’ancienne carrière.

La réserve naturelle régionale (RNR) du site géologique de Vigny-Longuesse est comprise dans plusieurs périmètres de protection et d’inventaire, qui témoignent d’un contexte de grande valeur patrimoniale, aussi bien sur le plan paysager et naturel qu’architectural et bâti. Compris partiellement dans une Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique (ZNIEFF) de type I (« Carrière de Vigny ») de 8,52 ha, le site fut acquis par le département et classé Espace Naturel Sensible (ENS) en 2003 afin d’en préserver les affleurements.

La réserve fait également partie intégrante du PNR du Vexin français créé en mai 1995 et est incluse dans le site inscrit du « Vexin français » (arrêté du 19 juin 1972). Ce statut témoigne de la valeur patrimoniale du site aussi bien sur le plan naturel et paysager qu’architectural et bâti. Aussi, le « Bois des Roches » faisant partie de la réserve a été référencé comme Espace boisé classé ayant pour conséquence d’interdire les défrichements ainsi que les coupes et abattages sans autorisation.

A la vue de ses structures géologiques uniques à l’échelle de l’Île de France et à la présence exceptionnelle d’un ancien récif corallien, le site fut classé en « Réserve naturelle régionale » le 22 octobre 2009 et constitue l’une des trois réserves du département avec la réserve naturelle régionale du Marais de Stors et la réserve naturelle nationale des Coteaux de la Seine.

L’ancienne carrière de calcaire « du Bois des Roches » est au cœur de l’anticlinal de Vigny d’orientation NW-SE, formant une boutonnière faisant affleurer la craie campanienne ainsi que des affleurements réduits de calcaires daniens (- 65 à - 60 Ma). Ce territoire est connu des géologues depuis près de 200 ans, puisqu’il a été dès le début du XIXe siècle le banc d’essai de nombreuses interprétations concernant l’âge et la mise en place du calcaire dit « pisolithique » (exploité pour la production de pierres à bâtir et servant à la construction et la réhabilitation des maisons traditionnelles et des châteaux du Vexin). Dès 1837, Charles D’Orbigny engagea la discussion sur l’âge de certains mollusques récoltés au sein de la RNR du site géologique de Vigny-Longuesse. En 1848, le géologue et paléontologue Edouard Desor proposa la création de l’étage géologique du Danien (premier étage du Paléocène et du Tertiaire), en se fondant sur les similitudes de faciès et de faunes observées entre les calcaires de Vigny, de Laversines (près de Beauvais) et de Fakse au Danemark.

Le site préserve le seul complexe récifal connu dans le Tertiaire du Bassin de Paris. Cet écosystème récifal à madrépores est particulièrement bien conservé. Grâce à la grande extension de ses fronts de taille, la carrière a permis de reconstituer en trois dimensions l’ensemble des dépôts associés au récif et en relation avec la craie encaissante. Le gisement a fourni en outre la plus riche faune de mollusques du Danien en Europe et la plus ancienne du Tertiaire français (env. 60 millions d’années), ce qui en fait un site d’intérêt paléontologique majeur et l’un des gisements paléontologiques les plus célèbres de France. Les 171 espèces recensées sont accompagnées d’un abondant cortège fossile représentant des groupes très diversifiés : algues, foraminifères, coraux, éponges, crustacés, etc., qui permettent une reconstitution paléo-environnementale du milieu de dépôt. Un contexte tectonique particulier gouverné par l’anticlinal de Vigny a laissé des traces visibles, notamment des failles formant des escarpements contre lesquels viennent s’appuyer les calcaires daniens. Ces contacts subverticaux en relation avec des accidents tectoniques sont uniques dans le bassin de Paris.

Ce territoire est ainsi devenu le co-stratotype de l’étage Danien ce qui en fait une référence internationale en matière de stratigraphie et lui confère un intérêt géologique de niveau national et international.

La réserve naturelle régionale du site géologique de Vigny-Longuesse est constituée  d’une zone boisée (15 ha) et d’une ancienne carrière (6 ha) qui regroupe une mosaïque d’habitats en grande partie pionniers avec principalement des affleurements rocheux correspondant majoritairement aux anciens fronts de taille, des pelouses maigres à très maigres, des friches calcicoles et des prairies. Ces milieux présentent un intérêt patrimonial nécessitant une gestion conservatoire et abritent les espèces les plus patrimoniales du site dont 5 espèces très rares et déterminantes de ZNIEFF : la Campanule agglomérée (Campanula glomerata) classée comme étant «vulnérable » dans la Liste rouge régionale de la flore vasculaire d'Ile de France, la Bugrane naine (Ononis pusilla) en "danger critique d’extinction", l’Orobanche de la Germandrée (Orobanche teucrii) "vulnérable", le Fraisier vert (Fragaria viridis) et, le Tabouret des champs (Thlapsi arvense) "vulnérable" à l’échelon régional.

Parmi les treize "habitats" recensés sur le site, 354 espèces végétales ont été inventoriées parmi lesquelles plus de 60 sont remarquables en Île-de-France. On y retrouve une espèce extrêmement rare à l'échelle francilienne: le Rosier rouillé (Rosa rubiginosa) et, 8 espèces très rares dont l’Ibéris amer (Iberis amara), la Cotonnière à feuilles spatulées (Filago pyramidata) et le Gaillet de Paris (Galium parisiense) "vulnérables" en Île-de-France. Aussi, pas moins de 7 espèces d'orchidées ont été inventoriées sur les pelouses calcicoles ! Les inventaires bryophytiques ont quant à eux mis en évidence près de 80 espèces sur le site dont 15 ont une forte valeur patrimoniale. Ces espèces principalement saxicoles et terricoles sont également localisées dans les habitats de l’ancienne carrière (affleurements et friches calcicoles). Sur le plan fongique, 94 espèces ont été recensées et notamment Lactarius mairei var. zonatus, une espèce liée aux feuillus calcicoles et rare à l’échelle nationale. 

Les autres milieux constituant la RNR sont plutôt de types forestier (chênaie-charmaie, ormaie-frênaie) et prairiaux pour la partie centrale de la carrière, avec un secteur plus humide (prairie méso-hygrophile) qui vient diversifier ces habitats. L’intérêt de la Chênaie-Charmaie se retrouve notamment dans le fait qu'elle comprend de vieux hêtres remarquables (Fagus sylvatica) d'une grande envergure abritant notamment la faune xylophage et de nombreux oiseaux. Sur l’ensemble de la réserve, près de 485 espèces animales ont été recensées avec un fort intérêt pour les insectes puisque plus de 360 espèces ont été inventoriées avec parmi elles :

    - 23 espèces d’orthoptères et 1 espèce de mantoptère. Huit présentent un intérêt patrimonial et 4 sont protégées à l'échelon régional: le Conocéphale gracieux (Ruspolia nitidula) déterminant de ZNIEFF, l’Oedipode turquoise (Oedipoda caerulescens), le Grillon d’Italie (Oecanthus pellucens) et, la Mante religieuse (Mantis religiosa) déterminante de ZNIEFF.

    - 4 espèces d’odonates. Un individu de Leste brun (Sympecma fusca), assez rare et déterminant de ZNIEFF en Île-de-France a été noté en dispersion dans une prairie à l’ouest de la carrière.

    - 17 espèces d’abeilles sauvages ailées dont le Bourdon grisé (Bombus sylvarum) qui bénéficie d’une protection régionale.

    - Près de 70 espèces de lépidoptères parmi lesquelles le Flambé (Iphiclides podalirius) protégé en Île-de-France et déterminant de ZNIEFF et 212 hétérocères dont la Noctuelle épaissie (Hypena crassalis) qui présente un intérêt patrimonial fort.

    - Près de 80 espèces de coléoptères dont le Lucane Cerf-Volant (Lucanus cervus) inscrit à l’Annexe II de la directive européenne Habitats-Faune-Flore.

En ce qui concerne les vertébrés, le site a par contre un moindre intérêt patrimonial. Sa principale richesse est la population d'Alyte accoucheur (Alytes obstetricans). On y relève également le passage régulier de Blaireaux (Mules mules) et de Martres (Martes martes). 48 espèces d’oiseaux ont été répertoriées sur le site dont 35 sont nicheuses sur le site. On y retrouve 4 espèces patrimoniales : la Tourterelle des bois (Streptopelia turtur), le Pic vert (Picus viridis), la Mésange huppée (Lophophanes cristatus) et la Mésange nonnette (Poecile palustris).

Plusieurs grands enjeux ont été définis pour la réserve naturelle régionale du site géologique de Vigny-Longuesse. Dans un premier temps, des enjeux de conservation du patrimoine naturel pointant les objets géologiques remarquables de la réserve. La réserve a ainsi pour objectif de protéger le co-stratotype du Danien et l’ensemble des affleurements calcaires de cette période géologique. Un autre objectif concerne les habitats ouverts ainsi que les espèces floristiques et faunistiques remarquables associées pour lesquelles une gestion conservatoire est nécessaire. Enfin, la réserve a pour vocations, d'accroître la connaissance du patrimoine naturel présent sur son territoire et, d'accueillir et de sensibiliser le public. Pour cela, divers aménagements (sentiers adaptés aux personnes à mobilité réduite, panneaux pédagogiques, bac à roches, belvédères, etc.) ont été mis en place afin de pouvoir accueillir les scolaires et le grand public en toute sécurité. 

Repères

Superficie : 21,87 ha

Gestionnaire : Conseil départemental du Val d'Oise

Propriétaire : Conseil départemental du Val d'Oise

Date de classement : 22/10/2009

Localisation : Communes de Vigny et de Longuesse (95)

Accès réglementé - Les visites se font soit accompagnées d’un guide dans le cadre des sorties natures gratuites proposées, soit sur demande auprès du Conseil départemental.

Contact :  Mail : tvb@ valdoise.fr  Tel : 01 34 25 31 76

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