Biodiversité confinés jour 5 : la Pie bavarde

08 avril 2020ContactMaxime Zucca

Chaque jour, notre ornithologue Maxime Zucca, vous invite à apprendre à reconnaître une espèce parmi la faune visible depuis nos fenêtres, en ces temps de confinement, afin que même les plus urbains d'entre nous, ceux qui n'ont pas la chance de pouvoir profiter d'un jardin ou même d'un balcon, puissent se reconnecter à la nature. Et vous vous rendrez compte que, même au coeur des grandes villes, il y a des choses à observer que nous ne prenons habituellement plus le temps de voir !

Aujourd’hui : la Pie bavarde.

Son nid est impossible à confondre, et très visible en ce moment car les arbres n’ont pas encore de feuilles : c’est une sorte de très grosse boule de branchage, fermée, avec une entrée latérale, mesurant au moins 40 cm sur 40 cm, et parfois renforcée d’une année sur l’autre, le plus souvent construit vers la cime des arbres.

En général elle le place dans un arbre. Les cas recensés sur bâtiment ou autres structures sont beaucoup plus rares mais arrivent parfois ! On m'a envoyé cette vidéo hier : https://twitter.com/Sophie_Loup/status/1241030986986598406?s=20 et ces photos viennent également d'Île-de-France (le nid de droite à Paris, a ensuite été occupé par un Faucon crécerelle).

Elles construisent parfois plusieurs nids mais un seul sera utilisé. Seule la femelle couve. Les nids de pie abandonnés sont parfois occupés par des faucons, des hiboux. Elles sont en concurrence assez forte avec les corneilles, autre corvidé urbain. Elles n’ont pas intérêt à nicher trop près de ces dernières, qui n’hésitent pas à détruire leur nid ou leur couvée.

 

Elle n’est pas spécialement attirée par les objets brillants contrairement à sa réputation. Les pies mangent surtout des invertébrés, des graines et des fruits, mais également des rongeurs, des lézards, des jeunes oiseaux... Pour cette dernière raison, elles sont, comme les corneilles fréquemment mal perçues.

Cependant le rôle des prédateurs est important dans l’équilibre des communautés. Et une thèse conduite par François Chiron dans les parcs du 93 a montré qu’en « retirant » la majorité des pies d’un parc (en les capturant et relachant très loin), la reproduction des petits passereaux n’était pas pour autant améliorée. https://bit.ly/2xXXWmU

 

Malgré cela, elle est considérée comme nuisible – surtout parce qu’elle est susceptible d’entrer « en concurrence » avec les activités de chasse en se nourrissant de jeunes oiseaux gibiers. On en tue environ 150 000 par an en France, pour...rien. La population française est estimée à environ 500 000 couples.

Soyons clair : en plus d’être cruel, c’est parfaitement inutile

D’ailleurs, le Conseil d’Etat a récemment reconnu en 2014 puis en 2017 suite aux recours d’associations (H&B, FNE, LPO..) que la pie ne pouvait plus être classée nuisible dans 15 départements. Mais elle l’est encore dans beaucoup d’autres.

https://www.lexpress.fr/insolite/animaux/les-pies-corbeaux-et-fouines-ne-sont-plus-consideres-comme-nuisibles_1918704.html

Probablement en partie de ce fait, les populations de pie déclinent dans les campagnes. Elles tendent par contre à augmenter en ville. A Paris, elle est apparue au début du XXè siècle. A Londres et Berlin, son entrée dans la ville ne date que des années 1970 et la « synurbanisation » n’a pas encore eu lieu dans plusieurs grandes villes.

 

Entre 250 et 300 couples nichent dans Paris intramuros. La population y est stable sur les 10 dernières années. La pie n’a pas un chant à proprement dit. Un de ses cris les plus habituels est celui-ci : https://www.xeno-canto.org/475651

En groupes, elles font ces jacassements plus longs : https://www.xeno-canto.org/485570

Les pies sont très sédentaires, et se montrent assez grégaires pour dormir en hiver (plus de 50 oiseaux dorment parfois côte à côte en hiver, en haut d’un grand arbre) mais également en cette saison, ce qui semble jouer un rôle pour la conquête de nouveaux territoires.

Les jeunes pies sortiront du nid dès la mi-mai : on les reconnaît aisément à leur queue beaucoup plus courte que celle des adultes. Ceux qui ont recueilli des jeunes pies tombées du nid peuvent témoigner des capacités cognitives élevées de cette espèce.

Les pies sont connues pour être parmi les oiseaux les plus intelligents. Il s’agit d’un des rares animaux et du seul oiseau (avec un perroquet) à avoir passé le test du miroir : on leur colle une pastille sur leur plumage à un endroit non visible (cou) et la découvrant dans le miroir, la Pie cherche à la retirer.  Voir la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=HRVGA9zxXzk

Ceci rend leur destruction d'autant plus questionnable. Prenons plutôt le temps d’observer la beauté de ces oiseaux et leur comportement..

Nous remercions la LPO Île-de-France et ses membres pour leurs photos qui nous permettent d'illustrer certains de nos propos.

Cette page est reliée à la catégorie suivante :