Biodiversité confinés jour 11 : le Moineau domestique

08 avril 2020ContactMaxime Zucca

Chaque jour, notre ornithologue Maxime Zucca, vous invite à apprendre à reconnaître une espèce parmi la faune visible depuis nos fenêtres, en ces temps de confinement, afin que même les plus urbains d'entre nous, ceux qui n'ont pas la chance de pouvoir profiter d'un jardin ou même d'un balcon, puissent se reconnecter à la nature. Et vous vous rendrez compte que, même au coeur des grandes villes, il y a des choses à observer que nous ne prenons habituellement plus le temps de voir !

Mais... comment n’en avons-nous pas encore parlé de celui-là ?

Le moineau !

Moineau domestique, pour être précis, nom qui indique sa longue histoire de proximité par les humains. Dans certaines villes de France, on rencontre également le Moineau friquet. A Arles, il est même plus commun que le domestique. C’est aussi le cas dans les villes asiatiques. Notez la tache noire à la joue du friquet :

Alors que chez le friquet les sexes sont identiques, le mâle et la femelle de Moineau domestique sont très différents. L’aviez-vous déjà remarqué ? Une fois qu’on le sait, cela saute aux yeux. La femelle est plus unie, le mâle a la gorge noire et une teinte marron plus chocolat.

Le Moineau domestique dépend donc en grande partie de nous, depuis les débuts de l’aventure agricole : on parle de « commensalisme ». Il a colonisé l’Amérique à partir de 1850, on le trouve désormais presque dans le monde entier. Il nous suit et est devenu super adapté à l’environnement urbain.

En Nouvelle-Zélande et en Irlande, on a vu des moineaux prendre l’habitude voler devant les détecteurs de mouvement pour faire ouvrir les portes d’une caféteria ou d’un supermarché et aller se servir en miettes ! Les moineaux des gares parisiennes attendent l’arrivée des trains pour se nourrir des insectes écrasés.

On voit parfois les moineaux prendre des « bains de poussière » dans les allées sableuses des parcs : c’est une méthode efficace pour nettoyer leur plumage des parasites.

Il ne chante pas vraiment, le paresseux, le mâle piaffe juste à l’entrée de son nid. Il niche en colonies de 10-15 couples. On peut voir en ce moment les mâles parader à l’entrée des nids, tournant autour d’une femelle en sautillant, les ailes vibrantes.

Son piaillement fait partie du fond sonore des arrières cours et des parcs. Ou... faisait. Car le moineau décline, et même rapidement. Alors que la chute est plus ancienne à Londres ou à Bruxelles, nous pensions être épargnés à Paris !  Hélas, elle est arrivée, dans les années 2000.

Maintenant, on peut marcher dans les rues de Paris et de pas mal d'autres villes sans entendre de moineaux, ce qui était impossible avant. On ne voit plus ou presque plus de grandes bandes. Bien sûr, il en reste encore un peu, mais désormais, leur présence est presque originale. On évalue à 80% la diminution des moineaux parisiens en seulement 15 ans. La rapidité de la chute diverge selon les villes de France et d’Europe.  Mais pourquoi un tel déclin?

La diminution des friches, très importantes pour leur alimentation hivernale, ainsi qu’une moins bonne alimentation des jeunes au nid, du fait de la moindre abondance d’insectes, jouent vraisemblablement un rôle. Il lui faut aussi des buissons denses ou des murs de lierre pour dormir en bandes.

On a aussi remarqué que son déclin était proportionnel à la progression de la gentrification de certains quartiers : le moineau préférerait les quartiers populaires dans lesquelles les rues sont plus vivantes, avec leur lot de nourriture à grappiller.

 

En parallèle, les échanges entre populations sont plus faibles, car les moineaux des champs diminuent également. L’optimisation des semis et des récoltes en matière d’agriculture a aussi pour conséquence de laisser moins de grains dont profitaient les moineaux et autres granivores.

Et l’été dernier, une équipe britannique a révélé que les moineaux londoniens étaient à 75% infectés par la malaria aviaire. Ce taux d’infection n’a jamais été trouvé chez d’autres oiseaux sauvages. En France, la prévalence était plus faible (autour de 40%) dans le milieu des années 2000 mais elle a pu augmenter depuis.

 

Or la survie hivernale est particulièrement faible chez les moineaux infectés: dans un environnement appauvri, la maladie fragilise davantage. Ce cocktail semble fatal... Alors tous les coups de pouce lui seront bienvenus : végétalisation des villes, transition agricole... 

Et bien sûr, vous pouvez aussi lui confectionner un jardin à son gout et un petit coin pour nicher

A demain !

Nous remercions la LPO Île-de-France et ses membres pour leurs photos qui nous permettent d'illustrer certains de nos propos.

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